Penser l'emploi
Grand Prix 2010 de la Réflexion Impertinente sur l’Innovation
en relation avec le développement durable
Penser l'emploi
François-Noël TISSOT
Conseil en identité
Fondateur du cabinet Une Identité Pour Demain
Résumé
La réflexion impertinente paraît le siège d’un paradoxe, qui sidère et soumet l’emploi à des archaïsmes.
Favoriser les procès susceptibles de produire une réflexion impertinente constitue un champ de valorisation de l’emploi.
En soi, et dans ses effets.
Cette communication en esquisse la nécessité, les modalités et des éléments de la règle du jeu.
En trois fiches, un kit
destiné à participer à la sécurité des parties prenantes, donc à leur
prise de risque, dans le champ de l’innovation organisationnelle et
sociale.
Les industries qui contribuent à ce déploiement restent à construire.
Chacun construit son identité par sa réponse aux défis de son temps
« Ne soyez captifs d'aucun dogme, qui asservit à la pensée d'autrui. »
2005, Steve JOBS, Chief executive officer d’Apple Computers, Stanford University.
« ...fournir un mode d'expression ...et rendre impossible tout autre mode de pensée.»
1949, Eric Arthur BLAIR, alias George ORWELL, déchiffrant la novlangue d'Océania.
«
Il prit donc l'homme, cette œuvre indistincte, et, l'ayant placée au
milieu du monde, Il lui parla ainsi : Je ne t'ai donné ni place
déterminée, ni visage, ni don particulier, ô Adam, afin que ta place,
ton visage et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les cultives
par toi-même. »
1482, Jean PIC de la MIRANDOLE, De la dignité de l'homme.
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Réflexion impertinente
La réflexion impertinente paraît être le siège d'un paradoxe :
- d'une part, l'engager serait salutaire, aux plans personnel et social ;
- d'autre part, en partager le fruit s'avèrerait risqué, aux plans individuel et collectif.
Desserrer ce nœud, au moins le temps d'une transformation, mérite exploration.
Pour ce faire, j’ai pris pour champ, penser l'emploi.
Penser l’emploi, pour avoir moins à le panser.
Panser l'emploi, cette expression mérite sans doute explication.
Panser
l'emploi me paraît désormais le premier secteur économique des
territoires, si l'on veut comptabiliser les ressources qui y sont
affectées, à commencer par 10 à 20% de la compétence qui, contre son
gré, se trouve exclue de cet emploi là.
En
regard, valoriser l'emploi, ce serait permettre un déploiement de la
richesse humaine plus pertinent face aux défis du siècle qui s'ouvre.
Notamment, aujourd'hui, en permettant de rendre lisibles à chacun les freins qui handicapent les ajustements nécessaires.
Notamment, en favorisant une lisibilité sur la logique du cadre à construire.
Justement, avec un peu plus de réflexion impertinente.
Bien entendu, je garde en ligne de mire les organisations entrepreneuriales qui sont engagées dans une concurrence globale.
Elles ont besoin, mieux encore que les autres, de mobiliser la richesse humaine.
Et pour défi de favoriser des conjonctions inédites de talents, afin de mieux servir la capacité d'innovation de leurs clients.
Pour l’essentiel, c’est avec celles-ci que je me suis construit.
Lorsque
les comportements habituels n’y produisaient plus les effets attendus,
je diagnostiquais que la représentation du monde n’était plus
suffisamment efficace, et que l’effondrement menaçait.
Au
delà de mon champ de vision, de nombreuses procédures continuaient à
être déroulées, avec des effets mitigés, et des dommages collatéraux
non comptabilisés.
L’exigence de développement durable engage à porter là aussi le regard.
Ce
sont pourtant les organisations dans lesquelles les archaïsmes sont les
mieux enracinés qui auront le plus de mal à explorer de nouveaux
procès, alors que la protection qui permet aux archaïsmes de subsister
permettrait à ces organisations, sans risque, d’explorer, de baliser,
pour ensuite entraîner, dans le champ de l’innovation organisationnelle
et sociale.
Cette communication se présente sous la forme de trois fiches.
Aucune ne semble finie, un peu comme notre monde, à construire.
Chacune relève d’une connaissance encore imparfaite, qui échappe à son cadre.
Elle
se prête à ce que l’un ou l’autre nos contemporains y apporte son
regard et sa contribution, y nourrisse sa réflexion, et son action.
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Fiche 1 - Faire face à un défi collectif
L’emploi se valorise de la qualité du défi auquel il s’adresse.
L’homme, première richesse
Le XXIème siècle s'ouvre sur une novation.
L'humanité dans son ensemble prend la mesure de l'actualité pressante d'une gouvernance globale de ses richesses collectives dans la perspective d'un développement durable.
Au premier rang de ces richesses, l'homme
lui-même - indissociable de son habitat, biotopes et cultures, dont il
convient de gérer ensemble les économies interdépendantes - et ses organisations entrepreneuriales qui le façonnent en retour.
La personne, première référence
En
France, depuis la loi de mars 2005, la pratique de l'intégration du
handicap illustre que la performance des dispositifs compensatoires
conçus et déployés par une équipe pluridisciplinaire d'experts reste, in fine, à l’appréciation de la seule personne en situation de handicap.
Début
2007, le Forum social mondial, à Nairobi, et le Forum économique
mondial, à Davos, convergent sur ce même impératif : face à la
dispersion du monde, construire la confiance
; c'est-à-dire permettre à toute personne de trouver moyen et avantage
à s'engager dans l'élaboration d'un monde qui s'invente, non comme un
donné, mais comme un "à construire", par chacune là où elle se situe.
En novembre 2008, Nelson MANDELA s'adresse à Barack OBAMA: "Votre
victoire a démontré que personne, partout dans le monde, ne devrait
avoir peur de rêver de changer le monde pour le rendre meilleur."
En juillet 2009, le premier Forum éthique mondial, qu'accueille l'ONU à Genève, évoque la construction d'un monde désormais "plat", chacun étant redevable, auprès de tous, de son impact.
De pair, développement durable et abolition de la pauvreté
Dans
un monde qui se globalise, construire la confiance passerait ainsi par
une plus forte économie des moyens, afin de rendre lisibles et
accessibles la compétence spécifique, le projet et les attentes de
chacun.
Dans
un monde en dispersion croissante, développement durable et abolition
de la pauvreté relèveraient alors d'un seul et même processus.
Valoriser l’emploi, en favorisant l'émergence de ce processus dans la sécurité des parties prenantes, engage à :
- distinguer les procès émergents ;
- éclairer les phénomènes dont procède le cadre de construction.
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Fiche 2 - Des procès émergents
L’emploi se valorise des freins qu’il permet d’identifier et de lever.
=> Permettre à quiconque d'éclairer le risque et l'opportunité, selon sa situation singulière, et d'en distinguer l'intérêt individuel et l'intérêt collectif.
Vers une dispersion en environnement incertain
Des procès émergents favorisent une dispersion en environnement incertain :
- élargir l'accès à une réflexion éthique ;
- apprécier l'écart qualitatif entre le résultat atteint et l'objectif attendu, par la production de « rapports d'étonnement » ;
- explorer les déploiements d'intelligence collective, et l'apprenance, par l'expérimentation de « forums ouverts » et autres « tables de coopération » ;
- étendre le reporting, établi sur des critères de performance prédéfinis, à la notion de redevabilité, destinée à éclairer sur les impacts sociétaux dans un environnement volatil ;
- accompagner chaque décision d'une estimation de son empreinte, notamment en matière d'effets collatéraux, par exemple en matière de stress ;
- concevoir le management, non comme un corps, mais comme une fonction, largement distribuée...
Clarifier le rôle et la place de la personne
Ces procès ne sont pas moins envisageables que ne l’était le fait de trier ses déchets, de mieux prévoir leur cycle de vie, pour enfin les prévenir.
Certains de ces procès font déjà l’objet d’expérimentation, de capitalisation et de professionnalisation.
Ils
ont ici valeur d’illustration : tous visent à fiabiliser l’autonomie et
l’initiative, et clarifient le rôle et la place de la personne.
Un engagement continu
paraît avoir un impact initialement infime, puis l’adhésion se déploie
de façon exponentielle, jusqu’à ce que s’installe un nouveau paradigme.
Freins
La conception de l’organisation, les pratiques managériales et les termes du dialogue social peuvent s’enrichir de tels procès.
Les
nœuds paradoxaux qui les contraignent peuvent s’élargir à une
lisibilité partagée sur l’ingénierie du cadre de construction
identitaire.
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Fiche 3 - Un seuil critique : l’ingénierie du cadre
L’emploi
se valorise d’une lisibilité sur la logique du cadre à construire, en
ce que cela participe à la sécurité des parties prenantes, donc à leur
prise de risque dans leur exploration et leur appropriation d’un
changement de paradigme.
Les ères se distinguent par leur représentation de l'identité
Selon
l’époque, l’identité ne porte pas sur le même objet, ni ne se déploie
selon les mêmes dispositifs, ni ne répond aux mêmes impératifs.
▪ Ainsi, l'Egypte ancienne est liturgique. On y gère les passages entre l'ici et l'au-delà.
Chaque matin, Rê naît. Chaque soir, Rê meurt.
Nous en gardons l'astronomie, les pyramides et les momies…
▪ En Rome antique, c'est vers la citoyenneté que se négocient les passages.
Car c'est au Sénat que se régit Rome.
Nous en gardons forum et jus, via et aqueduc...
▪ « Chaque cité a sa civilité particulière. »
1595, Michel EYQUEM de MONTAIGNE, Essais, Livre I, chapitre XIII
Un schéma se distingue pourtant : à un défi collectif correspondent des seuils critiques que permettent de fiabiliser des procès.
▪ Années 1970, le premier choc pétrolier introduit une volatilité prédite par les initiés mais non entendue par la plupart.
Les groupes cherchent à élever leur profil de l'institution et à accroître la lisibilité de leur stratégie.
Leur raison d'être s'affiche en un logo.
▪ Années 1980, la structuration en filières ouvre l'ère de la qualité.
Le re-engineering de l’organisation étendue vise son agilité.
Informatique, lisibilité spatiale et signalétique transverse assurent à la logistique un langage commun, qui permet aussi le déploiement d'une intelligence collective.
▪ Années 1990, la globalisation déploie des équipes réseau éclatées.
Le sentiment d’appartenance des talents est en jeu, afin de fiabiliser leur autonomie.
Le coaching, conférence entre pairs, relève d’une fonction support.
Les représentations de l'identité se sédimentent, et ne se substituent pas.
▪ A Rome, les dieux sont encore là, mais ils ont leurs lieux bien à eux.
Jules César fut mis au rang des leurs après sa mort.
Auguste, de son vivant, dans les provinces - pas à Rome.
L’ancrage à un ordre ancien relève de l’entretien d’un consensus.
▪ Le coaching n’a pas remplacé le logo.
Ces deux dispositifs d’intégration et de construction d’identité n’interviennent pas dans le même champ, ni ne relèvent de la même représentation du défi collectif.
Le rite est le siège de l'emploi
Au défi, au seuil et au procès correspondent le tabou, le sacré et le rite.
Tout rite participe à la formation d’un consensus, qui valide le sacré et évite de questionner le tabou.
Le rite, dispositif d'intégration, lieu de construction personnelle et sociale, est le siège de l'emploi.
Réinvestir sa raison d’être
Tout rite participe à une cohésion communautaire, que l’on l'associe parfois à l’expression « repli identitaire ».
Un rite congruent avec le défi collectif de l'époque participe de surcroît à une plus forte économie collective.
Tenir l'un pour l'autre - le rite pour le défi - conduit à un effondrement social, et résulte de phénomènes repérés sous les appellations « aveuglement du leader » et « trahison des élites ».
Réinvestir sa raison d’être, selon les modalités d’un nouveau paradigme, passe par l’exploration de procès congruents avec l’aspiration vers laquelle on tend.
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