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FAIRE SOCIETE : coopération, intégration, construction d'identité
5 mai 2007

Les métiers du SAMU social

Les métiers du SAMU social





Le SAMU social, un tremplin pour les professionnels de la solidarité internationale.

François-Noël Tissot, conseil en identité, conclut sur trois convergences entre les apports où excellent habituellement les professionnels de la solidarité internationale et les modalités de fonctionnement du SAMU social :

  1. construire une visibilité et une redevabilité sur le risque et l'opportunité collectifs, c'est-à-dire « être les yeux de tout le monde » ;
  2. valoriser la logique de l’institution au nom de laquelle intervient le professionnel, quelles que soient les circonstances qu'il rencontre et les moyens dont il dispose sur le champ ;
  3. permettre à tout interlocuteur d'accéder au "juste nécessaire" qui lui soit utile sur son chemin de résilience, d'autonomie, voire d'innovation.

Dans le monde dispersé qui s'invente partout autour de nous, c'est sur de telles convergences que tous nos contemporains peuvent déployer ensemble leurs talents afin que chacun ait moyen et avantage à cultiver sa part d'un fonctionnement distribué sur lequel se construit la confiance.





Samedi 5 mai 2007, Résonances Humanitaires a accueilli une conférence à Cerise, consacrée aux métiers du SAMU social. Plus de soixante-dix auditeurs s’y sont pressés (le maximum autorisé par la capacité de la salle du « Café Reflets »). Pour aborder ce thème, rien de moins que le fondateur et président du SAMU social, le Docteur Xavier Emmanuelli, ainsi que deux adhérents de Résonances Humanitaires qui ont récemment intégré l’équipe du SAMU social de Paris : Laurent Mérillet et Stéphane Bengono.   






Docteur Emmanuelli

Avant de fonder le SAMU social en 1993, le Docteur Emmanuelli a passé 23 ans chez MSF-F (dont il est aussi un des co-fondateurs). MSF introduit en France la médecine de crise et de catastrophe, de bons gènes pour le SAMU social.

Une ou plusieurs missions humanitaires à l’étranger préparent particulièrement bien à servir au SAMU social. L’ « expat » doit accepter une logique collective.

Ce parcours initiatique exige une grande maîtrise de ses états d’âme et de ses émotions. Quand on est coupé de son milieu familier, il faut trouver les ressources en soi-même et dans l’équipe, qui n’est pas tendre, pour affronter le saut dans l’inconnu, qui est parfois un milieu hostile. « On y perd des plumes » mais on y gagne à sa propre connaissance. Il faut savoir faire le deuil de ce qui a été exaltant pour pouvoir se reconvertir. Le travail sur soi-même consiste à savoir perdre cette liberté. L’humanitaire en mission donne avant tout son propre dépouillement, pour se laisser refaçonner. Rançon de ce dépouillement, l’expat humanitaire a besoin de miroirs. Les media flattent son narcissisme.

Au SAMU social, des métiers de logisticien (stockage et distribution de nourriture) côtoient des services immatériels (gestion des personnes).

Il faut distinguer la fonction de la mission et trouver le bon équilibre : apprendre à être près des exclus, mais pas trop. La souffrance de la personne exclue aspire, la fusion détruirait aussi le travailleur social. Au contraire, « techniciser », banaliser les procédures conduirait aussi sûrement à « manquer le coche ». Il faut trouver la juste distance opérationnelle, maîtriser la distance.

On appelle le « SAMU médical » en composant le 15 et le SAMU social, le 115. Les écoutants en ligne doivent trier l’info utile dans les appels de détresse.

Cinq services s’articulent ensuite :

  1. Les équipes mobiles ou « maraudes » (de jour, de nuit, de lutte contre la tuberculose) vont à la rencontre des gens de la rue. Quasiment toujours en retrait, ils peuvent parfois refuser le contact, voire se montrer hostiles. Le lien doit être créé à la volée. La confiance ne sera instaurée que grâce à une attitude d’écoute, beaucoup d’attention.

  2. Les centres d’hébergement accueillent des personnes dans le rejet, le refus, voire l’agressivité. La rue est barbare. Quand on tombe dans la toxicomanie ou l’alcoolisme, on perd en même temps le code de politesse élémentaire.

  3. Les soins infirmiers, les soins d’accompa-gnement voire des soins palliatifs ;

  4. L’espace solidarité- insertion ;

  5. L’observatoire réfléchit à l’orientation des missions ;

La mission est la combinaison de procédures (= la fonction) avec le savoir être, l’implication, l’engagement. C’est l’articulation du définissable avec l’indéfinissable (l’intérêt, la compassion, le soucis de l’autre).

Les associations, bien que jalouses de leurs identités respectives, coopèrent quand même dans la lutte contre l’exclusion.

Les ex-expats de la solidarité internationale ont appris à composer, l’art de la diplomatie.

La maturité rime avec l’accomplissement de soi. Le besoin en personnels matures, engagés, motivés, disponibles est croissant.

***

Stéphane Bengono est animateur-coordinateur suppléant au centre d’hébergement de La Porte Verte à Montrouge. Après une licence en sciences politiques au Cameroun, il y fonde une ONG qui œuvre dans la santé primaire et l’alphabétisation puis est engagé par l’ONU pour l’observation des facteurs de crise en Afrique de l’ouest. Après un DESS d’aide humanitaire internationale à Aix-en-Provence, il rejoint pour un temps la Division de la Protection du Haut Commissariat aux Réfugiés, à Genève.

En France, il accumule nombre de petites expériences professionnelles dans le secteur marchand : vente de fruits et légumes, sondages d’opinion par téléphone, avant d’intégrer l’équipe du SAMU social.

Deux semaines après le début de cette nouvelle mission, il prend véritablement conscience de sa nouvelle vocation alors qu’il tient la consigne du centre d’hébergement. Là, il réconforte un homme, commence à trouver quelques solutions concrètes à certains de ses problèmes et, partant, désamorce peut-être une tentative de suicide.

Au fur et à mesure il prend la mesure du labyrinthe de problèmes dans lequel se débattent les exclus qui ont parfois été médecins, avocats ou n’ont jamais exercé d’activité professionnelle. Plus personne ne leur adresse la parole à part les employés du SAMU social.

« Les victimes n’ont plus la représentation des secours ni même d’eux-mêmes pour se venir en aide. Ils doivent commencer par renouer avec l’image de leur propre corps » (X. Emmanuelli).

Au centre d’hébergement, la salle des repas concentre parfois la montée des tensions entre les personnes accueillies. Les « animateurs » doivent décrypter les arrivants, leur profil et leurs problèmes pour désamorcer ces tensions.

Une équipe mobile peut venir à la rescousse en cas de problèmes spécifiques (médicaux ou autres) avec des résidents.

Stéphane Bengono est heureux de pouvoir tenter d’aider l’autre, qui vient de la rue, à se redresser, sans jamais le juger. Et la reconnaissance de l’autre ne se monnaie pas...

***

Laurent Merillet vient d’intégrer le pôle hôtelier du SAMU social de Paris. Il contrôle les conditions d’hébergement dans les hôtels, vérifie la sécurité des installations. Il est assisté de médiateurs qui prennent langue avec les étrangers logés. Les problèmes de régularisation administrative, scolarisation, santé, vêtements et nourriture se mêlent. Les étincelles entre familles hébergées et logeurs sont monnaie courante. Il faut les désamorcer.

Laurent Mérillet étudie le métier de berger à la Bergerie nationale à Rambouillet, après avoir commencé des études de sociologie à Vincennes.

Puis il mêle ses pas de routard aux cohortes de jeunes Occidentaux qui vont en Asie. Il rejoint Kaboul en auto-stop. Ses missions humanitaires commencent par des visites en prison à un jeune Américain, arrêté pour trafic de drogue. Il lui apporte de la nourriture. Dans les geôles afghanes, ce sont les familles qui nourrissent les détenus.

Laurent Mérillet passera une douzaine d’années dans le sous-continent indien et « récupérera » plusieurs drogués occidentaux. Il est un routard comme eux. Il conçoit le voyage comme ce qui peut donner un sens à sa vie.

Il épouse une Suissesse. Ils partent s’installer en Ouzbékistan. Là, avec sa femme, il s’occupe des enfants des rues et des enfants handicapés rejetés d’internats en orphelinats. Avec leurs huit enfants, les Mérillet fondent une troupe de théâtre, marionnettes et clowns. Laurent enseigne aussi l’anglais à des enfants sourds muets ouzbeks, en emmène en voyage aux Etats-Unis.

Mais Laurent et sa femme doivent aussi veiller au futur, aux études de leurs propres enfants. Laurent revient en avant-garde en France où «son master à l’université de la vie n’impressionne pas ». Le RMI lui est refusé, puisqu’il vient de débarquer en France.   

Heureusement, Résonances Humanitaire lui fait rencontrer le SAMU social, qui comprend son expérience et l’engage.

****

Des questions sont ensuite posées par la salle aux intervenants.

Comment le SAMU social traite-t-il les gens qu’il assiste si ceux-ci sont dans l’illégalité ? 

Le SAMU social n’entre pas dans le « misérable tas de secrets » [de chaque être humain] (André Malraux) mais fait respecter un minimum de règles de vie en collectivité.

Les agressions sont traitées comme dans la sphère du droit commun (recours à la police) car il faut protéger l’autre.

Sinon, le SAMU social s’efforce de préserver le secret de la personne (devoir éthique), alors que, dans l’exclusion, on est tenu de se raconter tout le temps aux services sociaux, aux médecins, etc…

Par le passé, lorsque la ligne se cherchait encore, des drogués ont pu bénéficier d’une certaine complaisance pour « leur mode de vie », mais la dérive n’a pas tardé : développement du trafic. Aussi, il a fallu mettre un terme à la consommation. Le rôle du SAMU social est aussi d’initier une autre dynamique de vie.

Du statut du SAMU social.

Le SAMU social de Paris est un Groupement d’Intérêt Public. Il est financé par la ville de Paris, le département et l’Etat (ensemble à hauteur de 90%) et de grandes entreprises (EDF, GDF, etc…) qui y détachent des agents.

Comme pour les grandes ONG de la solidarité internationale qui reçoivent régulièrement des fonds institutionnels, le budget du SAMU social de Paris n’est pas garanti par l’Etat, ce qui oblige son président, comme les présidents d’ONG, à rechercher constamment des fonds. Pour être libre de sa politique il faut avoir au moins la moitié de fonds privés.

Le SAMU social de Paris compte 650 employés, assistés de bénévoles (les « Samaritains »).

Le SAMU social international est, quant à lui, une association d’associations. Il a déjà essaimé dans quinze métropoles à travers le monde. La lutte contre l’exclusion des enfants y est une priorité.

De l’exclusion et du développement.

Le Docteur Emmanuelli souligne encore que l’exclusion est inhérente à notre modèle de développement économique et social. 90% de la population européenne vit désormais en ville (contre 50% dans le monde). Les codes traditionnels de solidarité sont éclatés.

Le rôle du SAMU social est le traitement. La prévention de l’exclusion échoit aux politiques.

De l’expérience politique du Docteur Emmanuelli pour l’aider au SAMU social.

La sphère politique offre l’accès à d’autres manettes que la sphère humanitaire. L’appartenance au  gouvernement offre plus de prise pour faire bouger les administrations.

Par exemple, l’obtention du n° d’appel 115 a été rendu possible par le levier gouvernemental.

Même si Handicap International a bien balisé en France le bannissement des mines anti-personnel, l’action politique a été décisive pour surmonter le conservatisme de l’armée dans notre pays. Un bon politique récupère les efforts de la société civile.

Le réflexe politique aide à appréhender les rapports de force, à composer avec des forces.

De la nature de l’exclusion

L’exclusion s’oppose à l’inclusion – qui est la norme -. L’inclusion c’est avoir le choix, l’exclusion c’est être soumis à la fatalité. La lutte contre l’exclusion, c’est remettre les gens debout dans leur libre-arbitre.

De l’évolution des fantasmes de l’expat de la solidarité internationale. Des qualités de plus en plus exigées des missionnaires.

« Jeune médecin chez MSF, je voulais réfléchir aux rencontres violentes, devenir un homme de crise. Mes références fantasmées étaient politiques. Je voulais bâtir un monde nouveau, une société fraternelle dans un environnement de chaos.

J’ai été rejoint plus tard par des volontaires a-politisés, en pleine quête spirituelle, accomplissant un voyage initiatique (les hommes dans toutes les sociétés ont besoin de voyages initiatiques pour se construire). Qui dit voyages initiatiques dit épreuves (exil, - pas de ressourcement culturel loin de chez soi -, cruauté de l’équipe) ce qui exclut les plus fragiles, pas assez édifiés. Une initiation ratée peut marquer toute une vie. Or, il faut se garder d’exposer qui que ce soit à sa propre perte ».  (Docteur Emmanuelli)

De l’ouverture des métiers du SAMU social aux ex-expats de la solidarité internationale.

Avant, les ex-expats de la solidarité internationale souffraient d’un déficit dans leur CV. De nos jours ce déficit est devenu un atout. Les ex-expats ont déjà fait le deuil de leur passé, ont déjà changé de décor.

Le SAMU social demande aussi à ses bénévoles qui sont retraités d’avoir pu opérer cette mutation.

La grande majorité des employés du SAMU social sont des éducateurs spécialisés, des animateurs.

Mais, à l’instar de toute structure, le SAMU social a aussi besoin de cadres (coordinateurs, chefs de service), de juristes, de gestionnaires.

Les employés du SAMU social doivent avoir le sens de leur mission, être autant idéalistes que pragmatiques, sensibles tout en gardant la bonne distance. Ils doivent être polyvalents.





Pour en savoir plus

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Témoignages de coaching : une aide à la décision
"Les témoignages sont à considérer comme un point d'appui, non comme un modèle, et à utiliser avec discernement, sans réduire sa propre réalité à celle d'autrui."

Résonances Humanitaires organise une réunion publique le premier samedi de chaque mois à l'Espace Cerise, 46 rue Montorgueil, Paris, entre 11h et 13h.

SAMU social : "Au contact de la grande exclusion, il faut de grands professionnels"

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